Reconversion professionnelle, lifestyle… l’entrepreneuriat n’est pas fuir une situation, mais en provoquer une.

Les témoignages sur une reconversion professionnelle dans l’entrepreneuriat fleurissent sur les réseaux sociaux. Les podcasts, émissions de télévision, magazine consacrent une partie de leur actualité à ce phénomène qui prend de l’ampleur.

Et par forcement dans le bon sens.

Si Raymond Barre parlait déjà de « créer des entrepreneurs » pour contrôler le chômage, en 1995, apparaît un concept nouveau : l’entrepreneur « lifestyle ».

Marie Gomez-Breysse  Professeure affiliée Montpellier Business School et Ingénieur de recherche Labex Entreprendre AES, Université de Montpellier définit ainsi « celui, qui, à la recherche d’un style de vie (projet personnel, valeurs familiales et sociales), s’assure par la création d’entreprises un revenu suffisant pour atteindre cet objectif. »

Dans ce concept, la « maximisation économique » n’est pas recherchée. « Les affaires » tirent  la sonnette d’alarme à travers l’opinion de Nicolas Duvernois, fondateur de « Pur Vodka ». « Pur Vodka » se définit comme « l’icône d’une génération pour qui le succès est plus qu’un but ou qu’un point délimité à atteindre ».

Pour la petite histoire, Nicolas Duvernois a créé son entreprise alors qu’il était encore étudiant et vivait d’emplois précaires.

Il fait partie d’une génération pour qui créer son entreprise, c’est tout lui donner. Sacrifier chaque instant de sa vie, ses moyens financiers pour la « faire décoller ».

Une conception de la vie d’entrepreneur qui ne répond pas aux diktats actuels.

Avec l’émergence des nouveaux coachs de l’entrepreneur », l’entrepreneuriat se résume aujourd’hui à des phrases toutes faites, qui si elles font du bien, et c’est indéniable, sont un peu simplistes, voire dangereuses.

On ne résume pas l’entrepreneuriat à des posts comme « les trois points essentiels qu’il te faut » et parmi ces points « croire en son projet », « être focus ». Ou « faire quelque chose qui te passionne », « et qui a du sens », « choisir ses horaires et ses clients », « pour gagner beaucoup d’argent ».

Il est certain qu’il est plus facile de vendre du rêve que de la réalité, sauf à la télé.

On ne gagne pas des abonnés en publiant : « être entrepreneur, c’est prendre un risque » . Alors qu’être entrepreneur, c’est avoir l’angoisse des journées sans un seul appel, un seul mail, alors que le droit aux allocations chômage s’épuise ». Être entrepreneur, c’est se créer des charges lourdes sans aucune certitude sur le retour sur investissement.

Être entrepreneur, c’est le désenchantement, si on a trop rêvé. Mais on ne s’exprimera jamais en ce sens sur un réseau social : c’est parfaitement contre-productif pour obtenir des abonnés, du trafic sur son site et… des clients.

Les communications s’appuient en majeure partie sur le respect de la technique de marketing du « primary emotional hot buttons ».

Cinq sont généralement retenus :

  • Avoid hassle and worry,
  • Desire to look good,
  • Get comfort and pleasure,
  • Desire to save,
  • Fear of loss.

Ce que l’on pourra traduire par :

  • Éviter les problèmes et de réfléchir à la manière de les résoudre,
  • se retrancher derrière son apparence, en jouer pour orienter ce que les autres peuvent penser de vous,
  • S’assurer une situation de confort, éprouver un sentiment de plaisir,
  • S’assurer une économie,
  • Ne pas perdre une chance de …, l’aversion pour tout phénomène de perte étant identifiée par les économistes comme un facteur majeur dans la prise de décision financière.

Ces cinq hot buttons que vous allez utiliser dans votre stratégie commerciale, dites-vous bien qu’on les utilise avec vous.

Si vous êtes émotionnellement fragile parce que l’entrepreneuriat est pour vous une fuite, vous devenez une proie au lieu d’être un leader.

Réussir dans l’entrepreneuriat suppose de pouvoir fédérer les gens autour de soi, d’être d’un esprit curieux.

L’entrepreneur « teste, analyse, corrige » selon Aram Attar .

En cela, il est créateur de situations, provocateur d’occasions, agitateur de solutions.

L’entrepreneuriat ne peut pas être une fuite, mais une vocation. Si vous vous lancez dans l’entrepreneuriat pour fuir uns situation, que ce soit une situation professionnelle qui vous pèse ou en désespoir de cause parce que vous ne retrouvez pas d’emploi, vous avez tout faux. Ce passé vous empêchera d’avoir le « mindset gagnant ». Lesté de poids, vous n’avancerez pas. Or, entreprendre, ce n’est que cela, avancer encore et encore. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas savoir dire stop et accepter l’échec. Mais l’échec sera transformé en une situation positive. Pour pouvoir recommencer.

Aram Attar totalise un parcours professionnel impressionnant. Il a consacré plus de quinze années de sa vie à l’exercice de divers métiers de la finance et du « capital investissement. » Il est professeur à HEC Paris sur le thème Entrepreneurial Finance et Venture Capital.

Nicolas Duvernois souligne à très juste titre la difficulté d’entreprendre et de réussir dans cette voie :

« Bâtir une entreprise pour être cool c’est facile. Bâtir une entreprise pour pouvoir vivre de sa passion, s’accomplir, s’entourer d’une équipe géniale et faire découvrir ses produits aux quatre coins du monde est la chose la plus difficile qui soit. Bien que «risque» et «sacrifice» ne soient pas des mots que l’on aime entendre, c’est une des seules manières d’atteindre ses objectifs. »

L’entrepreneuriat n’est pas un jeu dans une cour d’enfant où l’on tape dans les mains en faisant une pirouette. On ne joue pas non plus à passer à la télé !

Pour regarder régulièrement les émissions de télévision consacrée à l’entrepreneuriat, je peux affirmer que les profils des personnes relatant leur parcours ne sont pas des profils de personnes dépendantes de tutoriels affirmant : tu veux entreprendre et réussir ? Fais ça ! Ces personnes n’ont jamais eu besoin qu’on leur explique comment faire pour voir aboutir leur projet !

Si cela était aussi simple, il n’y aurait pas autant d’entreprises qui ferment après quelques mois, voire une année ou deux d’activité.

Je fais partie d’un groupe d’aide aux autoentrepreneurs : leurs questions et préoccupations n’ont rien à voir avec les posts qui pullulent sur les réseaux sociaux.

Et c’est tant mieux car l’année 2021 sera rude.

Près de 100 à 150 000 entreprises individuelles pourraient connaître une défaillance en 2021 selon l’association GSC (régime d’assurance perte d’emploi des chefs d’entreprise).

En lien avec cette thématique : histoires de reconversions professionnelles réussies

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*