Syndrome de l’imposteur : reconnaissance du sentiment d’imposture, solution pour dépasser son manque de confiance en soi et son anxiété

Syndrome de l’imposteur : le psychologue Kévin Chassangre s’est spécialisé sur le sujet et s’avère une aide précieuse pour avancer en dépit ou grâce à cette particularité de raisonnement qui plombe notre esprit, encombre notre cerveau et fausse nos capacités d’apprentissage et d’appréhension d’une situation. Il a co-écrit avec Stacey Callahan un livre remarquable : » traiter la dépréciation de soi – le syndrome de l’imposteur ».

Interlocuteur idéal pour mieux comprendre tous les aspects de cet état émotionnel, il est également un intervenant de qualité en matière de management Rh.

L’idée ne vous a peut-être jamais effleuré qu’il pouvait être difficile pour un chef de service d’intégrer dans son équipe un collègue souffrant du syndrome de l’imposteur, tout autant qu’il est difficile pour ce dernier de s’intégrer au sein d’une équipe. Le premier devra apprendre à raisonner en termes de bénéfice et non de préjudice et peu de managers ont cette capacité. Certains pourront également souffrir du perfectionnisme dont fait preuve le second, qui les renvoie à leurs propres compétences ou incompétences. La qualité de vie au travail étant désormais un principe que chaque entreprise tente d’appliquer, une meilleure compréhension des particularités de chacun est désormais de mise et ce syndrome en fait partie.

Avoir une vie professionnelle épanouie peut parfois être difficilement conciliable avec le manque d’estime de soi et l’anxiété dont on fait preuve quand on est atteint du syndrome de l’imposteur.

Le syndrome de l’imposteur vous empêche-t’il de réussir votre vie professionnelle ?

Ce mal diffus est si difficile à vivre que le mot victime me paraît parfaitement approprié. Il ne se limite pas à la sphère professionnelle, mais rejaillit également sur nos capacités à vivre une relation de couple épanouie. De même, nous avons tendance à reporter sur nos enfants notre incapacité à nous reconnaître de la valeur. Les dénigrer devient alors une expression de notre propre incapacité à nous reconnaître légitime. Emplis de l’idée que nous ne méritons pas notre succès, perpétuellement anxieux à l’idée d’être démasqué, nous nous autoflagellons.

Comment savoir si l’on souffre du syndrome de l’imposteur? Celui-ci nous empêche-t’il vraiment d’avancer ? Et pourquoi s’ancre-t’il en nous ?

Ces questions, nous pouvons tous et toutes être amené(es) à nous les poser. Oui,  car nous avons forcément entendu parler à un moment de notre vie de ce fameux concept.

Comprendre et intégrer ce concept nous permettra de voir différemment notre incapacité à trouver notre place dans une équipe.  Davantage conscients de sa signification et de ses implications, peut-être pourrons- nous être amené à faire le choix d’une reconversion professionnelle. Poussé ou non par une âme bien-pensante.

Un début de réponse qui immanquablement amène une autre question.

Si l’on fait le choix de l’entrepreneuriat, doit-on refuser de se lancer dans une activité sous un statut d’indépendant quand on se diagnostique « atteint du syndrome de l’imposteur » ?

Témoignage de David C :

 » J’ai toujours attribué à la chance le fait de me retrouver promu à un poste à haute responsabilité dans une très grosse chaîne alimentaire.

Or, ce poste m’amenait à être sans arrêt confronté à de nouvelles personnes. J’avais la boule au ventre à chaque nouvelle intervention.

Mes missions consistaient à rétablir une situation bénéficiaire dans nos magasins en perte. Analyses de chiffres, propositions de solutions de redressement, mise en place de nouvelles formes de pilotage, voire mise en place d’une nouvelle équipe… j’avais tout pouvoir, moi qui avais tout juste un bac !

Je devais sans cesse être force de propositions. Le fait d’obtenir de très bons résultats ne me rassurait pas. Au contraire, c’était pire ! Je me disais que cela ne pouvait pas durer ainsi, qu’on allait se rendre contre que je n’étais qu’un fumiste. Chaque nouvelle expérience réussie me faisait monter plus haut dans la hiérarchie d’un groupe présent dans la CAC 40.

J’ai fini par être très haut placé dans l’organigramme du groupe avant de démissionner.

Je ne pouvais plus supporter de vivre dans ce qui pour moi était un énorme mensonge. Je voyais ce type qui terrorisait tout le monde et à qui tout le monde faisait des courbettes de peur de perdre son emploi,  sourire et parler comme si de rien n’était, avec un aplomb incroyable. Je me demandais comment il faisait.

Et ce type c’était moi.

Je ne parvenais pas à le croire.

J’ai fini par faire un burn-out et j’ai quitté mon emploi. »

La situation de David est un cas banal parmi toutes les personnes souffrant du même trouble.

D’autant qu’on est potentiellement tous susceptibles d’en souffrir à un moment de notre vie, de manière occasionnelle.  Selon certaines recherches, 70 % de la population seraient ainsi susceptibles de développer ce trouble de manière épisodique.

Trois éléments dans notre ressenti ou comportement permettent d’identifier le syndrome de l’imposteur, qualifié aussi d’expérience de l’imposteur par Pauline Rose Clance.

Le psychologue Kévin Chassangre met en avant les aspects de notre personnalité qui donnent à penser que nous souffrons de ce syndrome.

En premier, le sentiment d’un manque de légitimité.

Au travail, cela se traduit par l’impression pénible de ne pas être à sa place. Ainsi, nous sommes persuadés que nous n’avons pas les compétences nécessaires à exercer correctement nos fonctions, et nous nous épuisons à cacher ce qui nous paraît être de graves lacunes.

Le sentiment de mentir sur nos capacités nous poussera à tout, sauf à considérer que l’on mérite les compliments ou les félicitations dont nos chefs émaillent leurs propos pour le travail accompli. Si celui-ci connaît un franc succès, c’est dû à de multiples raisons, presque indépendantes de notre volonté. Comme le facteur chance, le travail en équipe, voire « le malentendu ». Une petite voix dans notre tête nous rendra honteux d’avoir autant travaillé, consacré autant de temps à une petite chose aussi simple, qu’un autre aura réussi à faire en trois fois moins de temps.

Atteints du syndrome de l’imposteur, nous sommes notre propre ennemi et la cohabitation est difficile.

La manière d’appréhender une nouvelle mission est le deuxième élément test.

Oser quelque chose de nouveau est un défi à relever. Si nous sommes confrontés à la nécessité d’accomplir une nouvelle mission, notre peur de ne pas être à la hauteur nous paralyse. Soit nous parvenons à la surmonter et nous jetons à corps perdu dans ce nouvel objectif à atteindre, soit nous nous laissons aller à procrastiner. La demi-mesure ne fait pas partie de notre vocabulaire, car persuadés de notre imposture, que le masque peut tomber à tout instant, nous ne faisons pas dans la pondération.

Et si nous avions simplement besoin de reconnaissance ?

Le besoin de reconnaissance, troisième élément test.

La psychologue Valérie Young a travaillé à isoler les profils qui pourraient déclencher ce syndrome (source Sciences humaines.com).

Ces profils auraient comme caractéristique commune l’un ou l’autre des schémas suivants:

  • d’être confronté à des personnes talentueuses dans leur métier ou leur futur métier et de se comparer,
  • d’avoir été perçu comme un génie dans l’enfance ou de réussir jeune, ce qui fausse la notion d’effort,
  • d’appartenir à un groupe social victime de discrimination,
  • de manquer de relations professionnelles permettant de se valoriser en tant qu’entrepreneur.

Ces caractéristiques se doublent, selon d’autres études, des facteurs de prédisposition suivants :

  • avoir un caractère introverti,
  • avoir vécu dans un environnement familial manquant de soutien émotionnel ou sachant l’exprimer,
  • ou au contraire d’avoir fait l’objet de retours positifs en surnombre durant l’enfance, ce qui fragilise l’adulte en devenir et ne le prépare pas à, si ce n’est l’échec, accepter que ses capacités soient inférieures à celles attendues. La peur dans ce cadre est d’être considéré comme un imposteur par ses parents,
  • ou au contraire encore d’avoir manqué enfant de reconnaissance et de valorisation de ses qualités, notamment du fait qu’elles puissent être atypiques,
  • l’absence de message clair de la notion de réussite et d’ambition.

La confrontation que j’ai faite de différentes études ou articles donnerait à penser que l’absence d’équilibre dans les messages, l’émotionnel, la valorisation de ses compétences sont autant de facteurs pouvant déclencher le sentiment d’imposture à l’âge adule.

Pour aller plus loin, on pourra relever que les personnes souffrant du syndrome de l’imposteur se trouvent parfois dans une grande solitude et une grande souffrance. Elles ressentent un sentiment d’inauthenticité, et vivent une importante autodépréciation, comme le décrivent également Kolligian et Sternberg.

Les femmes seraient plus vulnérables, car les hommes réussiraient à avoir plus de soutien de la société en générale et pourraient même éprouver une certaine fierté de cette capacité à mentir (selon eux).

Le docteur Pauline Rose Clance a mis en évidence que le besoin d’être remarquable, donc d’être meilleur que ceux s’exerçant aux mêmes fonctions et/ou activités était un des éléments permettant de diagnostiquer le syndrome de l’imposteur. Précisant même que l’incapacité à croire aux compliments comme aux félicitations d’autrui était une des caractéristiques les plus probantes.

Le Docteur Chassingre parle d’un mauvais processus d’attribution.

Ce besoin de reconnaissance se traduit par un perfectionnisme exagéré et une insatisfaction chronique quant à ses réalisations.

Pour se rassurer : les recherches plus contemporaines considèrent que le syndrome de l’imposteur se traduit sous forme d’état affectif bien plus que comme une constance de la personnalité.

Dès lors, pour bon nombre d’entre nous, une prise de conscience éclairée sera un moyen efficace de ne plus tomber dans le piège de cet état affectif.

Après avoir interprété les signes qui mettent en évidence que l’on souffre du syndrome de l’imposteur, intégrer le concept d’auto-efficacité peut être un moyen de s’en sortir seul.

Le concept d’auto-efficacité a été mis en évidence par le psychologue Abert Bandura.

Comment fonctionne-t’il ?

Le psychologue a mis en évidence que l’esprit humain se façonne en conjuguant des influences personnelles, comportementales et environnementales. Ces influences interagissent entre elles pour modeler notre façon de percevoir les choses.

Notre personnalité va donc se construire à partir :

  • de l’expérience : dans ce contexte, le succès augmentera sa conviction en sa compétence tandis que l’échec sera destructeur ;
  • de l’observation d’autrui : réussir à s’approprier l’idée que la réussite des autres est à notre portée est un important processus de construction positive ;
  • de notre entourage : les encouragements,  s’ils émanent de la bonne personne, sont des éléments déterminants dans notre façon d’appréhender nos capacités ;
  • de son état émotionnel : le stress et la tension nerveuse ne prédisposent pas à la confiance en soi.

Dès lors, travailler sur soi pour croire en son efficacité personnelle passera par un process visant à :

  • faire l’expérience active de la maîtrise de tâches ou missions. Cela passe par une prise de conscience de chaque étape nécessaire à la réalisation de l’objectif , de manière à intégrer parfaitement ce que l’on fait et dès lors notre réussite;
  • faire l’expérience des comparaisons sociales : il s’agit ici d’observer non pas n’importe qui, mais une personne dont les capacités nous semblent similaires aux nôtres. Sa réussite nous confortera dans le sentiment que nous pouvons nous aussi être performants dans une tâche que nous n’avons jamais effectuée;
  • se laisser persuader de notre potentiel : intégrer ainsi tout autant les conseils que les suggestions ou les interrogations sans opposer de blocage. Toutefois, ce consentement social ne servira à rien s’il n’émane pas de la bonne personne. Notre choix doit se porter sur des personnes que l’on reconnaîtra comme des experts de notre thématique. Il est important d’être reconnu comme quelqu’un de talentueux par ceux qui ont la capacité nécessaire à reconnaître le talent ou les compétences mises en œuvre pour mener à bien un projet;
  • Travailler sur ses états physiologiques et émotionnels : il ne doit pas y avoir d’assimilation entre un état d’anxiété et une performance insuffisante. C’est d’ailleurs là qu’est toute la difficulté. Il est particulièrement difficile de savoir à quoi attribuer notre humeur. Un manque d’énergie peut simplement être la résultante d’une mauvaise nuit. Mais c’est quelque chose que nous ne nous dirons pas. Et nous attribuerons cette humeur négative à notre propre incapacité à gérer une situation. La bonne attitude à avoir : attribuer votre humeur à des éléments externes à votre façon d’appréhender votre mission. Le démarrage de celle-ci en sera facilité.

Le syndrome de l’imposteur est-il un frein à l’entrepreneuriat ?

Selon les recherches menées, la conscience de son aptitude à être efficace se traduit par une meilleure capacité à examiner une situation et à choisir le meilleur moyen pour réussir.

Si notre sentiment d’auto efficacité est trop faible, nous refuserons de nous investir dans des activités que nous ne nous sentons pas capables de maîtriser.

Valérie Young a déclaré être atteinte par le syndrome de l’imposteur dans les années quatre-vingt. Si aujourd’hui on recourt plus fréquemment à cette notion, elle faisait déjà l’objet d’études et de recherches quarante ans auparavant. À cette époque, quand la jeune étudiante a compris que beaucoup de personnes de son entourage étaient dans le même cas qu’elle, elle a d’abord cru qu’en parler était un moyen de s’en sortir. Puis elle s’est rendu compte que s’ouvrir aux autres de ses ressentis amplifiait au contraire ses peurs.

C’était comme si, selon elle, elle était devenue la seule imposteur. (source)

Le phénomène de l’imposteur a donné l’impulsion qu’attendait le docteur Young pour la recherche de sa thèse. En 2001, elle décide de donner vie à un atelier révisé intitulé « Comment se sentir aussi brillant et capable que tout le monde semble le penser : Pourquoi les femmes et les hommes intelligents souffrent du syndrome de l’imposteur et que faire à ce sujet ».

Elle a très rapidement pu se rendre compte que son atelier attirait des personnes venant d’horizons professionnels différents. Infirmières, ingénieurs, psychologues, programmeurs, optométristes, assistants administratifs, bijoutiers, médecins, cadres, professeurs, chercheurs en cancérologie, travailleurs sociaux, enseignants, avocats…

La diversité des professions relevées nous amènera à penser que personne ne peut être épargné, au fond.  Mais que malgré leur souffrance, ces personnes ont pu parvenir à aller au bout de leur cursus d’enseignement et à commencer une carrière professionnelle honorable.

L’histoire ne dit pas dans quelles conditions psychologiques par contre. Mais cet atelier leur a permis de « transformer la douleur en gain » comme l’exprime le Docteur Young, qui peut se prévaloir d’avoir accueilli et aidé 80 000 personnes. 

Mike Cannon-Brookes a réussi sa carrière d’entrepreneur. Il est le PDG d’une entreprise de logiciels pérenne et prospère.

Dans une interview accordée à un public local à TEDxSydney, il retranscrit son parcours d’homme d’affaires, d’homme tout court atteint par le syndrome de l’entrepreneur.

Écouter son interview est une excellente façon d’apprendre que ce trouble comportemental, s’il se traduit non pas par une remise en cause de soi, mais une remise en cause de ses idées et de ses connaissances est un élément moteur de la réussite.

Cette approche peut être confortée par l’effet Dunning-Kruger, qui caractérise un biais cognitif faussant l’appréciation que l’on peut avoir de ses connaissances, et ainsi les estimer supérieures à ce quelles sont réellement.

Entreprendre, c’est savoir s’adapter aux tendances du marché, savoir être en perpétuelle recherche d’évolution, s’obliger à être toujours plus performant (interview de Mr Wanceslas Lauret, joueur international de rugby, à venir)

Et vous, êtes-vous prêt à faire de cet état émotionnel une force pour vous lancer dans une carrière d’entrepreneur ?

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