Entreprendre : trouver le point d’équilibre?

Trouver le point d’équilibre. Dans le cadre de l’entrepreneuriat, à quoi fait-on allusion ?

Dans une société où l’épanouissement de l’individu donne lieu à de multiples prises de conscience, le point d’équilibre s’entend comme une zone de non-turbulence.  Les astreintes professionnelles ne remettent plus en cause l’accomplissement de soi.

Conciliation de sa vie privée et de son travail, consécration de l’ego, valorisation de l’estime de soi, épanouissement dans sa maternité quand on est une femme, aucun compromis n’est plus admis.

Véronique Nguyen, professeur adjoint à HEC, dans le journal Le Figaro, réfute la programmation personnelle que prônent les ouvrages, vidéos et autres publications sur les réseaux sociaux. Conditionnement qui suppose que « nous devrions nous répéter en boucle ces mantras d’auto-persuasion, les graver sur nos miroirs, les écrire sur de petits papiers cachés dans nos sacs ou nos portefeuilles. »

Les phrases auxquelles elle fait allusion, nous les avons tous et toutes entendues. Et tous et toutes, nous avons éprouvé le besoin de nous les répéter en boucle, les murmurant timidement ou  avec force,  selon que l’on soit du genre introverti ou extraverti.

«Je suis un chef-d’œuvre. J’incarne le succès. Je suis riche. Je suis fort(e). Je suis victorieux(se). Je suis séduisant(e). Je suis beau (belle). Je suis jeune. Je suis talentueux(se)».

Mais en prenant de l’âge, on réduit notre champ de louanges.

Et on en souffre suffisamment pour ne pas oser entreprendre, réaliser ce projet d’une vie qui s’amenuise, les années ont déjà tant défilé ! On survit dans la crainte de l’urgence.  

Et ce que l’on constate, c’est qu’entreprendre passé la quarantaine manque de bien trop de maximes ou de citations toutes faites pour que le succès soit au rendez-vous.

Si entreprendre demeure la seule issue pour nos finances, notre estime de soi, si entreprendre demeure la seule voie à suivre pour s’extirper d’un sinistre marasme, il faut revoir notre point d’équilibre. Et ce, quelque soit l’âge, car nous ne pouvons être simplement des clichés galvaudés. Nos besoins de ces clichés sont une véritable manne financière.

Oui, mais comment ?

Les livres, les tutos, ne nous disent jamais (je vais le faire en Anglais car c’est du marketing) :

« You’re a creep,

Couldn’t look you in the eyes,

You don’t belong here. »

But you have the entreprenarial mindset.

Tout est emprunté à Radiohead, sauf la dernière phrase.

« You’re a creep… » quand jamais l’humanité n’a connu un tel encouragement au narcissisme ! Ce qui a pour conséquence des situations de mal-être au travail préjudiciables au « bon exercice de nos fonctions ». Et nous pousse à claquer la porte pour être « entrepreneur ».

Mauvaise raison.

Je ne vais pas reprendre la chanson de Florent Pagny, qui s’époumone et hurle sa rage contre le fisc, et échange son frigidaire contre sa liberté de pensée. Car en général, on a besoin de remplir son réfrigérateur et que pousser la chansonnette dans les locaux de la trésorerie publique le laissera désespérément vide.

La question est plutôt : peut-on se permettre de n’avoir personne pour nous dire comment penser ? La bonne nouvelle est, selon Véronique Nguyen, que :

« Aucune recherche n’a jamais démontré que la réussite dépendait du nombre d’affirmations magnifiées de soi-même. Au contraire, l’histoire économique regorge de faillites fracassantes, brisant le destin de dirigeants satisfaits d’eux-mêmes et se gargarisant de leur vision grandiose. »

Véronique Nguyen affirme au contraire que « les individus qui suivent les préceptes simplistes des gourous de la pensée positive s’éloignent en fait du contentement et du succès auxquels ils aspirent. »

Un des scénarios possibles : la dépression nerveuse comme conséquence de cet asservissement à la parole des gourous.

Atteindre son point d’équilibre suppose en réalité de ne pas dépendre de validations, d’interactions sociales, ou d’une reconnaissance d’une conformité à un modèle édicté de manière arbitraire.

Je ne sais pas vous, mais moi je me sens déjà mieux. Je déteste toute entrave à ma liberté, tous ces jugements de valeur destructeurs, qui mettent à mal au point que mettre un pied hors du lit le matin devienne un calvaire, un effort que l’on ne parvient plus à faire.

L’idée de définir mes propres limites, d’échapper au jugement d’autrui m’apporte cet espace d’indépendance nécessaire à maintenir flambant neuve l’envie d’entreprendre. Et surtout, je réfléchis mon activité, la conception de sites web et la rédaction de contenus SEO comme s’inscrivant dans une démarche d’appropriation des besoins du client final. Entreprendre, c’est savoir répondre aux questions de notre clientèle. Ce n’est pas la « glorification de mon moi » mais de celle de mon public cible, celui qui me permettra de développer mon activité et de ne pas connaître l’échec.

Le point d’équilibre devient la résolution d’une équation mathématique simple : mes aspirations sont égales à  la loi du marché.

Quelle est mon offre, quelle est la demande.

Sur un plan économique, le point d’équilibre désigne le prix pour lequel l’offre égalise la demande.

En confrontant la courbe de l’offre et celle de la demande, on obtient la situation du marché. Kirzner a publié en 1973 un ouvrage jugé comme majeur, qui vise à « mettre en lumière le rôle spécifique et irréductible de l’entrepreneur dans la compréhension des processus du marché. »

Oui, l’entrepreneur est une force vive de notre économie. Il est un moteur de son évolution.

Fortement associé à une idée de développement de milieux novateurs, les politiques publiques n’ont de cesse de développer des politiques d’appui à l’entrepreneuriat.

L’entrepreneur bénéficie aujourd’hui d’une image idéalisée et médiatisée.

Une évolution des mentalités considérables également : la possibilité de concilier maternité et entrepreneuriat. Ce qui semblait impensable hier est aujourd’hui au cœur de notre quotidien. Business Women est une émission animée par Linda Labidi et entièrement consacrée aux femmes qui ont fait le choix de créer leur entreprise.

En janvier 2020, l’animatrice reçoit Charline Goutal-Redrado, fondatrice de Naïa Paris, marque de lingerie très connue du grand public et Julie Bellaïche, fondatrice de l’entreprise « Les p’tits boss ». Pour rappel, Les p’tits boss est un réseau de micro-crèches qui axe sa démarche d’accueil sur le bien-être des parents, des enfants comme des professionnels et développe une pédagogie adaptée à de nouvelles exigences.

Les deux reconnaissent que concilier maternité et entrepreneuriat est un vrai défi. Et si Charline Goutal –Redrado souligne que « quand on est entrepreneur, on a de l’adrénaline », Julie Bellaïche souligne l’importance de ne pas voir son statut de femme et la maternité comme un défaut, mais de rechercher toutes les qualités que ce statut, ce rôle de femme impliquent.

Bien sûr, l’accent est mis sur la perte des « privilèges » du salariat. Comme l’impossibilité de prendre un congé maternité qui se respecte et la nécessité d’être sur tous les fronts à la fois.

Le point d’équilibre passera par la cohésion de l’équipe en place au sein de la structure professionnelle et par une aide à domicile permettant de prendre un peu de repos les premiers mois de la naissance.

Le point d’équilibre quand on est entrepreneur (e) c’est aussi de savoir se préserver pour continuer à être efficace. Conserver son dynamisme dans la gestion de projet, mais également dans la gestion tout court.

Charline Goutal-Redrado a participé à de nombreux talks sur la thématique de l’entrepreneuriat .

Néanmoins et malgré de nombreuses levées de fonds, sa « success story » a pris fin début 2020.

Problème de point d’équilibre ?

Malgré une stratégie multicanale réussie, la fondatrice de Naïa Paris n’a pas géré le seul vrai point d’équilibre qui permet de pérenniser une entreprise. Dans un jargon comptable, le point d’équilibre se désigne également comme le « point mort ». Il cristallise l’instant où une entreprise ne réalise ni gain ni perte dans une période d’activité. Il est associé au seuil de rentabilité.

 La formule de calcul du seuil de rentabilité prend en compte les charges fixes et les charges variables, lesquelles sont couvertes par le chiffre d’affaires réalisé.

Le point d’équilibre dans l’entrepreneuriat a donc plusieurs sens, plusieurs trajectoires à suivre, mais aucun paramètre ne peut être exclusif d’un autre sans conséquences dommageables.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*